Comme le redoutaient les Européens, la Russie passe à laction sur le front du gaz. Le géant Gazprom avait confirmé au mois d’avril dernier avoir suspendu toutes ses livraisons de gaz vers la Bulgarie et la Pologne, deux pays membres de lUnion européenne qui ont refusé deffectuer les paiements en roubles, comme lexigeait le Kremlin . La société bulgare Bulgargaz et la polonaise PGNiG ont été notifiées de la « suspension des livraisons de gaz à partir du 27 avril dernier et jusquà ce que le paiement soit effectué » dans la devise russe.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République de Pologne : « L’Homme est plus précieux que le gaz russe ». et d’ajouter : « Cela nous encourage à opter pour d’autres choix. Jusqu’ici, PGNiG recevait annuellement de Russie quelque 9 milliards de mètres cubes de gaz, soit environ 45% de ses besoins nationaux. Pour autant, «il n’y aura pas de pénurie de gaz dans les foyers polonais. Depuis le premier jour de la guerre, nous avons déclaré que nous étions prêts à une indépendance totale vis-à-vis des matières premières russes. Les entrepôts de stockage sont pleins à 76%. Ce qui doit nous permettre de puiser dans ses réserves en attendant la mise en service d’un nouveau gazoduc en octobre qui reliera le pays à la Norvège et lui fournira dix milliards de mètres cubes par an. Enfin, la Pologne est en mesure de s’approvisionner en gaz naturel liquéfié (GNL) grâce à un terminal d’importation à terre. Trois pays producteurs pourraient faire office d’alternative: la Norvège, qui couvre aujourd’hui 20% des besoins européens, l’Algérie (12%) ou encore le Qatar (5%). L’Italie a déjà pris les devants en ouvrant les discussions avec Alger. Mais en attendant, le pays envisage surtout de rouvrir ses centrales à charbon pour préparer les stocks de l’hiver prochain.
Reste le gaz naturel liquéfié, produit principalement aux Etats-Unis, en Australie et au Qatar. Bruxelles et Washington ont conclu fin mars un accord pour augmenter les livraisons de GNL dans l’UE. Cette solution n’est pourtant pas sans contrainte puisque le GNL doit être regazéifié une fois arrivé en Europe. Or, l’Europe manque de terminaux méthaniers.
Si la France est le pays de l’UE qui en possède le plus avec quatre sites, l’Allemagne n’en a aucun. Berlin ambitionne d’en construire mais ces nouveaux terminaux ne devraient pas être opérationnels avant 2024. D’ici là, le gouvernement a annoncé le déblocage de trois milliards d’euros pour louer trois, voire quatre, terminaux flottants d’importation de GNL.
La Pologne entre la sécurité énergétique et le défi climatique…
De nombreux différents opposent le gouvernement conservateur polonais à l’Union européenne au sujet de la politique climatique. Le représentant permanent de la Pologne auprès de l’UE Andrzej Sados a résumé la position du pays en une phrase : «Il faut assurer la sécurité énergétique avant de commencer à parler d’une politique climatique efficace.» Varsovie multiplie ces dernières semaines les appels pour mettre un embargo sur tous les hydrocarbures russes et met la pression sur les dirigeants européens pour mettre fin aux négociations sur la politique climatique. L’eurodéputée Beata Szydlo appelle même à la démission de Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, chargé du Green deal. Pour l’ancienne Première ministre polonaise, la politique de Timmermans est dangereuse pour l’économie européenne. Selon elle, la Pologne doit continuer à baser sa politique énergétique sur ses propres ressources à savoir le charbon. La politique climatique de la Pologne devrait donc être d’investir dans les technologies pour extraire ce charbon le plus écologiquement possible.
Après un long bras de fer avec lUE, la Pologne a fini par annoncer sa sortie du charbon d’ici à 2050 mais la guerre en Ukraine pourrait changer la situation. Les déclarations à ce sujet varient en Pologne et prouvent que le gouvernement est en pleine réflexion. Le ministre des Actifs de lÉtat, Jacek Sasin, a récemment dit qu’il voudrait que l’énergie basée sur le charbon puisse fonctionner bien au-delà de la date butoir pour la fermeture de la dernière mine. Son porte-parole a ensuite corrigé en expliquant quil s’agissait d’exploiter plus de charbon que prévu mais seulement jusqu’en 2049. Les syndicats des mineurs affirment ne pas avoir encore été consultés sur le sujet. Reste la réalité économique : le charbon est un secteur à perte depuis des années en Pologne. Varsovie semble toutefois prête à payer le prix pour garder son indépendance vis à vis de la Russie et rappelle à qui veut l’entendre qu’elle a toujours été fermement opposée au gazoduc Nord StreamII reliant la Russie à l’Allemagne. Un investissement de près de 10 milliards d’euros qui ne verra peut-être jamais le jour à cause de l’invasion russe en Ukraine.