Rached Mathlouthi
Johan Rochel disait un jour : « L’immigration place les démocraties européennes face à d’immenses défis éthiques. Les valeurs de liberté, d’égalité et de solidarité qui ont nourri leur histoire semblent aujourd’hui avoir perdu leur capacité à nous orienter ». A voir, en effet, ces cadavres rejetés par la mer un peu partout dans le monde, on voit bien que les valeurs citées par le chercheur suisse en droit et éthique de l’innovation sont en perte de vitesse. Des milliers d’enfants, de jeunes, de femmes et même de vieillards passent des hivers, des étés, des printemps et des étés à espérer passer telle ou telle frontières afin d’atteindre l’Europe ou l’Amérique du nord. De l’«expat» au requérant d’asile, du regroupement familial à la libre circulation, la diversité des situations migratoires bouscule nos convictions et interroge nos choix citoyens.
Comme le montre plusieurs études, « Le débat public sur l’immigration est dominé par les questions identitaires et sécuritaires, et quand l’angle économique est abordé, seuls des aspects de court terme en matière d’emploi et de finances publiques sont évoqués. Pourtant, la recherche en économie montre que les effets de l’immigration sont généralement modestes à court terme. Les véritables enjeux de l’immigration économique, ceux de la croissance à long terme, ne sont, eux, jamais discutés ». Or une somme considérable d’études économiques démontre les bienfaits d’une immigration de travail qualifiée et diversifiée en matière d’innovation, d’entrepreneuriat, d’insertion dans l’économie mondiale via le commerce, les flux de capitaux et la circulation des savoirs productifs, et, in fine, de croissance de la productivité. Avec une immigration repliée sur celle des droits familiaux et humanitaires, la France n’exploite pas ces opportunités.
Pour conclure, nous dirons que dans le débat public, les immigrés sont souvent présentés comme un fardeau pour les économies occidentales. Pourtant, les pays avec les plus hauts taux d’immigration au monde sont tous des pays riches. A contrario, les pays qui ont une proportion d’immigrés dans leur population inférieure à 1 % sont extrêmement pauvres. Celan nous renvoie à l’urgence de repenser l’immigration…